02/01/2021
Distinction

Sébastien Sauvé, le professeur lanceur d’alertes

Parrainé par la Fondation canadienne pour l’innovation, le prix Michel Jurdant est décerné depuis 1985 à un chercheur pour souligner l'excellence et le rayonnement de ses travaux et de ses actions dans le domaine des sciences de l’environnement. Il est revenu cette année à Sébastien Sauvé.

Agronome de formation, enseignant de métier, chercheur engagé par passion, le nouveau lauréat contribue chaque jour à améliorer de façon significative notre compréhension des enjeux toxicologiques de notre société contemporaine. Professeur au département de chimie de l’Université de Montréal, Sébastien Sauvé a été le premier, en 2008, à déceler la présence d’antibiotiques dans les eaux usées de la station d’épuration de la Ville de Montréal, un constat qu’il a réitéré en 2015 lors de la crise du déversement d’eaux usées non traitées par la municipalité. "Cela a mis la pression nécessaire sur les autorités pour qu’un projet de système de désinfection s’enclenche, même si aujourd’hui, en 2020, ce dernier n’est toujours pas en place", nuance le chercheur, qui s’inquiète du développement de bactéries résistantes qui pourraient contaminer les animaux comme la population. Un autre problème cette fois tabletté par le gouvernement a provoqué, toujours grâce à M. Sauvé, une vague médiatique à l’automne 2019 : le taux de plomb dans l’eau potable des écoles du Québec. "En demandant aux enfants d’une vingtaine d’établissements de procéder à un échantillonnage dans des bouteilles, nous avons prouvé que le quart des écoles n’étaient pas à des normes acceptables, ce qui mettait à risque le développement intellectuel des jeunes." Cette onde de choc a incité le ministère de l’Éducation à procéder à des analyses et à régler les situations les plus urgentes. Mais une fois encore, selon lui, il reste beaucoup à faire dans ce secteur.

Sébastien Sauvé est reconnu internationalement pour ses travaux sur les cyanobactéries (aussi appelées algues bleues) entrepris depuis 2016. "Lorsqu’on sait qu’en plus de leur laideur et de leur odeur nauséabonde, les algues bleues, qui prolifèrent en raison de la surutilisation d’azote et de phosphore par les agriculteurs, peuvent provoquer de la diarrhée si on touche simplement l’eau dans laquelle elles se trouvent, on imagine ce qu’en boire peut entraîner. Or, on en décèle souvent dans l’eau potable", déplore le chercheur, en évoquant les empoisonnements fatals observés chez des animaux, ainsi que les possibles cancers et maladies neurodégénératives liées à ce contaminant. "Il faudrait profondément revoir notre modèle agricole actuel, poursuit-il. Cela vaut pour les algues bleues, mais aussi pour les pesticides, de plus en plus consommés, alors que leurs effets néfastes sont notoires, et pour l’environnement, et pour l’homme." Un message de plus délivré par ce scientifique aux convictions bien ancrées dans le réel.

Sophie Ginoux – Le Devoir

 

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